La construction arbitrale du principe de l'attente légitime de l'investisseur en droit international de l'investissement : tension, résistance et exclusion en sein d'un droit interactionnel
- Julien-Manuel Després
- il y a 6 jours
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Dernière mise à jour : il y a 5 jours
INTRODUCTION
L’arbitrage international d’investissement fait actuellement face à une crise de légitimité importante, due à l’imprévisibilité des décisions d’arbitrage et à leurs effets potentiels sur le droit souverain de régulation des États. Au cœur de ces débats, se trouve le développement jurisprudentiel et normatif du principe des attentes légitimes des investisseurs. En 2013, l’Institut de droit international considérait que la tendance à la « systématisation » des interprétations au sein des tribunaux d’arbitrage d’investissement pouvait conduire à une plus grande prévisibilité de ce droit, et ainsi permettre de trouver une issue à cette crise.[1] Cependant, force est de constater que le développement vers ce que certains ont qualifié de « jurisprudentialisation » de l’interprétation du principe des attentes légitimes de l’investisseur a, au contraire, intensifié cette crise, caractérisée par des États cherchant désormais à réaffirmer leur contrôle sur leur pouvoir souverain face à l’interprétation de cette norme.
Le principe de protection des attentes légitimes, élément constitutif de la norme contractuelle du traitement juste et équitable (TJE),[2] est devenu, au cours des deux dernières décennies, un levier majeur dans les recours intentés par des investisseurs étrangers contre les États en vertu des traités bilatéraux d'investissement.[3] Bien que le principe ait été invoqué dès 1982 dans l'affaire Aminoil v Koweït, c'est à travers les décisions Metalclad Corporation[4] et Tecnicas Medioambientales Tecmed[5] qu’il s'est réellement imposé. Malgré l’absence de la règle du stare decisis en droit international de l’investissement, on assiste à une véritable construction jurisprudentielle de ce principe par les tribunaux d’arbitrage.[6]
Le principe des attentes légitimes est généralement invoqué par les investisseurs lorsqu’ils estiment qu’un événement a porté atteinte à la prévisibilité ou à la stabilité du cadre juridique de l’État d’accueil de leur investissement. Dans ce contexte, l'investisseur allègue souvent une violation de l’obligation de l’État de garantir un traitement juste et équitable. Fondé sur la conception anglo-américaine du droit de propriété selon Jeremy Bentham,[7]ce principe, enraciné dans l'attente et le désir de sécurité, génère toutefois de profonds antagonismes. Ces antagonismes sont liés au risque d’immixtion des tribunaux internationaux d’investissement dans les prérogatives législatives de l’État lorsqu’il adopte des lois d’intérêt public. Le principe des attentes légitimes participerait ainsi à l’émergence d’une gouvernance globale de « dérégulation », en élargissant l’étendue de la compétence rationae materiae des comportements étatiques susceptibles de contrôle par des mécanismes d’arbitrage privé.[8]
L’intégration de ce principe juridique met en avant d’une part, la capacité interprétative de ces tribunaux à jouer un rôle « créateur du droit » au sens de George Ripert[9] et, d’autre part, la tendance actuelle des tribunaux à protéger le droit de propriété privée des investisseurs en le « codifiant »[10] sur la base de fondements juridiques chancelants. À cet effet, notons le recours à certaines interprétations contestées ayant, par exemple, conduit les arbitres à relier les attentes légitimes à la notion de bonne foi, comme dans l’affaire Tecmed[11], ou encore à l’estoppel, comme dans l’affaire Thunderbird.[12]
Cette intégration contestée[13] du principe de l’attente légitime au sein de la clause du TJE engendre une méfiance grandissante des États à l’égard de l’activité herméneutique des tribunaux d’investissement, conduisant à concevoir la construction d’un droit « interactionnel »[14] ambiguë entre les activités herméneutiques des arbitres et les activités normatives des États. Dans cette construction, chacun des deux protagonistes tente d’exercer un contrôle sur l’interprétation de la norme. Bien que ce texte ne prétende pas à l'exhaustivité, l’objectif est d'examiner comment cette activité interprétative, issue de l'arbitrage, engendre actuellement une résistance normative de la part des États. Cette résistance se manifeste par la volonté de ces derniers de préserver leur pouvoir souverain de régulation en restreignant ou en excluant toute interprétation extensible de la clause du TJE visant à reconnaître l’existence du principe d’attentes légitimes.
Les attentes légitimes : un construit arbitral facilité par un corpus normatif indéterminé
Mettre en lumière la résistance des États à restreindre la capacité interprétative des juges implique avant tout d'aborder la question aujourd'hui largement reconnue depuis les travaux doctrinaux de Martti Koskenniemi[15] sur l’« indétermination » du TJE. Cette norme, prévue dans la majorité des traités d’investissement sous forme de clause contractuelle, est considérée indéterminée[16] et dénuée de contenu précis, puisqu’elle ne renvoit qu’à une idée subjective et idéologique de ce que représente l’« équité » et le « juste ». À cet effet, même les tribunaux d’investissement sont venus reconnaitre le caractère indéterminé de cette clause dans l’affaire MTD v Chile qui rappela « the vagueness inherent in such treaty standards such as ‘fair and equitable treatment’ ».[17]
On comprendra donc ici que la nature indéterminée et vague de la clause du TJE a ouvert la porte à une interprétation de son contenu. Cette indétermination a ainsi facilité l’intégration du principe des attentes légitimes en tant qu’élément constitutif de cette norme contractuelle par les tribunaux. Toutefois, bien que certains auteurs soulignent que cette intégration a été favorisée par le rejet de la règle in dubio mitius[18], nous retiendrons avant tout que l’insertion des attentes légitimes a été facilitée par un recours systématique à la méthode d’interprétation téléologique des traités fondée sur le but et l’objet du traité d’investissement, conformément à l’article 31 de la Convention de Vienne de 1969.[19] En effet, le recours à la méthode téléologique et aux risques d’une interprétation extensive qui la sous-tend, telle que l’avait souligné notamment la Cour permanente de justice dans l’affaire du Sud-Ouest africain[20], a permis aux tribunaux d’arbitrage de s’appuyer non seulement sur le texte du traité, mais aussi sur son préambule[21], afin d’y déterminer l’existence d’un éventuel engagement. Ainsi, par exemple, lorsque le préambule souligne une volonté de conserver un cadre juridique stable[22], cet élément peut être interprété comme constituant un engagement étatique justifiant l’émergence d’attentes légitimes. L’investisseur devra toutefois démontrer que ses attentes étaient raisonnables dans les circonstances en l’espèce. Il devra ainsi faire la preuve qu’il ne pouvait pas anticiper de manière raisonnable les possibles évolutions du cadre juridique de l’État d’accueil eu égard au contexte global particulier de ce pays au moment de l’investissement[23].
Les réactions normatives des États face à l’interprétation extensive des préambules : vers un équilibre fragile entre les droits des investisseurs et le droit des États de réguler
Ces dernières années, les États ont pris conscience de l’impact que peuvent engendrer les interprétations extensives des préambules dans les traités d’investissement. En effet, bien que le mouvement en faveur d’une protection affirmative de l’espace de régulation des États ait été initié dans le Modèle de traité bilatéral d’investissement des États-Unis en 2004[24], les négociateurs étatiques réagissent actuellement en insistant sur une lecture plus stricte des objectifs des préambules, afin de limiter la portée des interprétations téléologiques par les tribunaux[25]. L’idée est désormais d’assurer le respect de la doctrine des pouvoirs de régulation d’un État en tant que norme de droit international coutumier, souvent mise de côté par les tribunaux, [26] à l’exception de certaines affaires comme Marfin v Chypre[27] et Philip Morris v Uruguay[28].
Cette volonté des négociateurs étatiques a pris une ampleur considérable. On observe qu’un nombre important de traités bilatéraux d’investissement se sont dotés de préambules plus précis afin d’y spécifier l’étendue des mesures de régulation prises par les États, notamment en matière environnementale[29], sociale[30], de santé[31] et culturelle[32]. Par exemple, le Modèle d’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers du Canada de 2021 prévoit dans son préambule une large conception du droit de réguler :
the right of each Party to regulate within its territory to achieve legitimate policy objectives, such as with respect to the protection of the environment and addressing climate change; social or consumer protection; or the promotion and protection of health, safety, rights of Indigenous peoples, gender equality, and cultural diversity[33].
Concernant les récents chapitres sur l’investissement dans les accords de libre-échange de nouvelle génération, notons par exemple que l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste[34] réaffirme aussi, dans des termes similaires, le droit de l’État de réguler, alors que le préambule de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) énonce pour sa part la nécessité de garantir un environnement juridique stable et transparent pour l'investisseur, de promouvoir une bonne gouvernance, tout en insistant sur l'importance de protéger les droits des travailleurs, d'encourager la participation des peuples autochtones et de favoriser l'égalité d'accès des femmes dans le commerce international.[35]
L’intégration du test de proportionnalité au sein des tribunaux d’arbitrage d’investissement: un conflit non résolu entre souveraineté des États et protection des investisseurs
Malgré la volonté actuelle des États de limiter l’interprétation extensive des préambules, on observe en parallèle une tendance des tribunaux d’arbitrage d’investissement à recourir au test de proportionnalité. Ce procédé consiste à examiner la tension entre les droits et intérêts dichotomiques de deux parties afin de déterminer lesquels devraient prévaloir. Afin de recourir au test de proportionnalité, les tribunaux ont souvent expliqué[36] qu’il représentait, comme le principe des attentes légitimes, un élément constitutif du TJE[37].
Malgré l’émergence actuelle de ce principe au sein des tribunaux d’investissement, celui-ci reste critiqué, car la notion des attentes légitimes est considérée par plusieurs comme ne constituant pas un principe commun accepté par toutes les nations in foro domestico permettant de conclure à l’émergence d’un principe général de droit international ausens de l’article 38(1)(c) du Statut de la Cour internationale de Justice tel que l’avait imaginé Lord Phillimore dès 1920. En effet, les tribunaux d’investissent n’auraient pas encore fait une démonstration convaincante que le principe de proportionnalité constitue une norme générale de contrôle en droit administratif dans plusieurs juridictions de common law, notamment en Angleterre, en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande et en Afrique du Sud, où le recours aux principes de « raisonnabilité » et de « rationalité » restent les principaux tests de contrôle.[38]
Certains auteurs comme Eric De Brabandere soulignent que ce nouveau standard présente un risque quant aux efforts des États à limiter l’interprétation donnée aux dispositions des préambules. À titre prospectif, l’auteur souligne par exemple, que bien que l’article 8.9 de l'Accord économique et commercial global (AECG)[39] entre l’Union européenne et le Canada reconnait le droit autonome des États à réguler, cette protection peut être perçue comme incluant un test général de proportionnalité[40], ce qui permet aux arbitres de conserver une marge d’appréciation considérable en statuant sur la nature des mesures de régulation prises par l’État en les mettant en balance avec les droits des investisseurs de bénéficier d’un traitement juste et équitable[41]. Le recours à un tel test reflèterait ainsi la volonté des arbitres de conserver une marge d’appréciation de la norme.[42]
De plus, il est intéressant de noter que les tribunaux internationaux d’investissement ont procédé à divers tests de proportionnalité non uniformes, ce qui vient accentuer l’imprévisibilité des décisions d’arbitrage.[43] En effet, dans certains cas, comme dans l’affaire S.D. Myers, les tribunaux ont analysé si l’État aurait pu adopter des mesures régulatrices alternatives moins restrictives. Il en va de même dans Total S.A. v Argentina où le tribunal a examiné si les mesures de régulation avaient engendré des effets disproportionnés ou déraisonnables à l’égard de l’investisseur.[44] Dans d’autres cas, les tribunaux se sont plutôt référés au test de proportionnalité issu de la pratique de la Cour européenne des droits de l’Homme, fondé principalement sur la légitimité et l’adéquation des mesures prises par un État. À cet effet, De Brabandere considère que dans les rares affaires ayant mobilisé ce test, les tribunaux ont adopté une interprétation restrictive de ce test orientée davantage sur les effets de la mesure que sur la légitimité de celle-ci comme dans PL Holdings S.à.r.l. v Poland[45], Occidental Exploration and Production Company v Équateur[46] et Continental Casualty Company v Argentina[47].
Vers le développement d’une approche d’exclusion du principe de l’attente légitime et du test de proportionnalité
Les mesures préalables que prennent les États pour protéger leur droit souverain de régulation semblent offrir des garanties relativement floues, au point que certains d’entre eux ont été contraints d’adopter des solutions législatives plus radicales dans les contrats d’investissement, en rupture avec l’interprétation traditionnelle des tribunaux. En effet, une tendance claire émerge : d’une part, les États évitent d’intégrer le principe de proportionnalité dans leurs traités et, d’autre part, ils cherchent à réduire, voire à éliminer, la place du principe des attentes légitimes dans la norme du TJE.
Tout d’abord, concernant l’intégration du test de proportionnalité, dans une étude de 2024, Chen Yu démontre que le recours au principe de proportionnalité, réitéré à de multiples reprises par les tribunaux d’arbitrage comme l’une des composantes constitutives du TJE, n’a pas été incorporé par les États au sein des clauses du TJE.[48] Dans ce contexte, l'omission du terme « proportionnel » dans les récents accords internationaux d'investissement qui énumèrent les éléments du TJE indique l'intention des États d'exclure cet élément.[49] Ainsi, alors que les tribunaux interprètent le TJE de manière large en recourant à un examen substantiel de la raisonnabilité et de la proportionnalité des politiques nationales, plusieurs États ont tendance à reconnaitre comme éléments relevant de la clause du TJE uniquement des principes d’irrégularités procédurales tels que le « due process » et le principe de « non-discrimination » qui sont des composantes largement reconnues de l’équité procédurale.[50]
De plus, plusieurs États sont récemment allés plus loin en adoptant des mesures plus radicales afin de limiter, voire d’exclure le principe des attentes légitimes de la norme du TJE au sein des traités d’investissement. Par exemple, l'Accord entre la Chine et Hong Kong mentionne la protection des attentes légitimes dans le cadre de l’application de la norme minimale de traitement afin de l’exclure de son champ d’application.[51] Cette approche se retrouve également dans d'autres accords, comme ceux entre le Chili et l'Argentine[52], entre la Chine et l’île Maurice[53], ou encore au niveau multilatéral à travers l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste et l’ACEUM.
L’approche des négociateurs étatiques devient parfois plus radicale. L'Intra Mercosur Cooperation and Facilitation Investment Protocol exclut expressément le TJE de l’application du traité[54], tandis que l'Accord bilatéral d’investissement entre le Brésil et le Suriname exclut non seulement le principe de l’attente légitime, mais aussi la norme du TJE. À cet égard, l’article 3 de ce dernier texte précise: « for greater certainty, the standards of 'fair and equitable treatment' and 'full protection and security' are not covered by this agreement and shall not be used as interpretative standards »[55].
Enfin, cette volonté de limiter l’application du principe des attentes légitimes se reflète également dans les « notes interprétatives conjointes » adoptées par plusieurs États. Un exemple est l’Instrument interprétatif commun concernant l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne institué dans le cadre de l’AECG. Celui-ci souligne la nécessité « d’examiner, sur une base régulière, la teneur de l’obligation d’accorder un traitement juste et équitable afin qu’elle soit conforme à leurs intentions et qu’elle ne soit pas interprétée plus largement qu’ils ne le souhaitent ».[56]
CONCLUSION
En conclusion, bien que les tribunaux d’arbitrage international ne soient pas tenus de respecter la règle du stare decisis, on constate un phénomène de « jurisprudentialisation » de l’attente légitime en droit international de l’investissement et dont l’objectif serait de limiter l’incertitude issue des décisions de ces tribunaux afin de pallier la crise de légitimité auquel fait actuellement face ce droit.
Malgré tout, ce phénomène du développement de la règle du précédent en arbitrage, qui favorise la consolidation contestée de la protection des attentes raisonnables de l’investisseur et du principe de proportionnalité en tant que principes constitutifs de la norme du TJE, a conduit à une réaction inverse, venant amplifier la crise de légitimité. En effet, l’harmonisation des décisions arbitrales, qui favorise la consolidation du système d’arbitrage international en tant qu’entité indépendante évoluant selon ses propres dynamiques et ses propres règles, a incité les États, ces dernières années, à adopter une activité normative de plus en plus marquée par la répulsion et la méfiance, dans le but de contrôler l’interprétation du traitement juste et équitable par les tribunaux d’arbitrage.
[1] “Consistency of solutions in investment arbitration contributes to legal certainty for all actors involved. The quest for consistency does not require the mechanical application of prior practice without regard to the particular circumstances of the Case or the need for the interpretation and development of the law”. Voir Institut de Droit International, Legal Aspects of Recourse to Arbitration by an Investor Against the Authorities of the Host State under Inter-State Treaties, 18e Commission, Session de Tokyo (13 Septembre 2013), 29:3 ICSID Rev – Foreign Inv LJ 701.
[2] Le rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUDCI) souligne que la protection des attentes légitimes a été reconnue de manière « répétée » par les tribunaux du droit international de l’investissement en tant qu’élément constitutif du traitement juste et équitable. Voir CNUCED, Fair and Equitable Treatment: UNCTAD Series on Issues in International Investment Agreements II, Genève, NU, 2012, p. 63.
[3] Julien Cazala, « La protection des attentes légitimes de l’investisseur dans l’arbitrage international » (2009) Revue internationale de droit économique, p. 7.
[4] Metalclad Corporation v The United Mexican States, ICSD Case No. ARB(AF)/97/1.
[5] Técnicas Medioambientales Tecmed, S.A. v Mexico, ICSID Case No. ARB(AF)/00/2, Award of 29 May 2003 [Tecmed].
[6] Voir généralement Muthucumaraswamy Sornarajah, Resistance and Change in the International Law on Foreign Investment, Cambridge University Press, Cambridge, 2015.
[7] Jeremy Bentham, “Security and Equality in Property”, in Property: Mainstream and Critical Positions 41, 51 (C.B. Macpherson ed., 1978). Jeremy Bentham a célèbrement soutenu: “To have a thing in our hands, to keep it, to make it, to sell it, to work it up into something else; to use it—none of these physical circumstances, nor all united, convey the idea of property”. Il ajoute “[t]he idea of property consists in an established expectation; in the persuasion of being able to draw such or such an advantage from the thing possessed.”. Ainsi pour Bentham, “only fixed and durable possession . . . merits the name of property”.
[8] Yannick Radi, La standardisation et le droit international. Contours d’une théorie dialectique de la formation du droit, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 321.
[9] Georges Ripert, « Les règles du droit civil applicables aux rapports internationaux (Contribution à l’étude des principes généraux du droit visés au Statut de la Cour permanente de Justice internationale) » dans Collected Courses of the Hague Academy of International Law, vol 44, Leyde, Boston, Brill, Nijhoff, 1933.
[10] Le terme « codifier » fait référence à l’ouvrage de Katharina Pistor, The Code of Capital: How the Law Creates Wealth and Inequality, Princeton University Press, 2019. L’auteure y illustre notamment comment l’interprétation des normes du droit international de l’investissement permet de codifier le capital et d’en assurer ainsi sa protection.
[11] Tecmed, supra note 5, para. 154: “the good faith principle established by international law’ and thus concluded that fair and equitable treatment required ‘the Contracting Parties to provide to international investments treatment that does not affect the basic expectations that were taken into account by the foreign investor to make the investment”.
[12] International Thunderbird Gaming Corporation v The United Mexican States (2006), UNCITRAL Ad Hoc Arbitration (Italaw) (UNCITRAL 1976). Récemment, d’autres décisions ont conclu qu’afin de protéger les attentes légitimes fondées sur la stabilité du cadre réglementaire, tout changement de ce cadre devait être disproportionné et injustifié pour considérer que ces attentes ont été violées. Voir notamment Scholz Holding GmbH v United Kingdom, ICSD Case No. ARB/19/2, Award of 1 August 2022.
[13] Les tribunaux d’arbitrage internationaux d’investissement reconnaissent généralement que les attentes légitimes de l’investisseur constituent un principe général de droit international. En revanche, la Cour internationale de justice dans Bolivia v Chile (2018) estime que les attentes légitimes ne constituent pas un principe commun in foro domestico qui permet de conclure à l’émergence d’un principe général de droit international au sens de l’article 38(1)(c) du Statut de la Cour internationale de Justice.
[14] Nous reprenons l’expression anglaise « interactional law-making » de Jutta Brunnée et Stephen J Toope visant à décrire la création du droit comme un processus interactif fondé sur des « compréhensions partagées » d’un système juridique. Voir Jutta Brunnée et Stephen J Toope, Legitimacy and Legality in International Law: An Interactional Account, Cambridge University Press, Cambridge, 2010.
[15] Voir généralement Martti Koskenniemi, From Apology to Utopia. The Structure of International Legal Argument, Cambridge, Cambridge University Press, Cambridge, 2006, p. 585.
[16] Rémi Bachand, « Les quatre strates du droit international analysées du point de vue des subalternes » (2011) 24:1 RQDI 1, p. 22.
[17] MTD Equity Sdn Bhd and MTD Chile SA v Republic of Chile (2004), ICSID Case No ARB/01/7, Award of 25 May 2004, para. 108.
[18]Le vocable in dubio mitius renvoie à l’interprétation restrictive qui constitue, en marge des méthodes d’interprétation conventionnelles, une technique mobilisée lorsqu’une clause est floue. Cette technique pose le principe que tout engagement de l’État doit être considéré comme une exception à sa souveraineté. En conséquence, les clauses d’un traité devraient être interprétées de façon restrictive. Le caractère subsidiaire de cette méthode d’interprétation a été mentionné par la Cour permanente de justice, notamment dans l’Avis consultatif du 16 mai 1925 sur le service postal polonais à Dantzig (Avis consultatif, CPJI (série B), no 11) en plus d’être privilégié dans l’Avis relatif à la frontière turco-iranienne par la Cour permanente de justice ainsi que par l’Organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce dans l’affaire EC- Hormones (Appellate Body Report, EC – Hormones, para. 165). Toutefois, mis à part dans certaines affaires, comme dans SGS Société Générale de Surveillance SA v Islamic Republic of Pakistan, les tribunaux d’investissement ont généralement adopté une méthode d’interprétation extensive. Pour davantage d’informations sur la distinction entre l’approche restrictive et extensive, voir Georges Berlia, « Contribution à l’interprétation des traités » dans Collected Courses of the Hague Academy of International Law, vol 114, Leyde, Boston, Brill, Nijhoff, 1965.
[19] Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, 1155 RTNU 331, (entrée en vigueur : 27 janvier 1980), art. 31.
[20] Affaire du Sud-Ouest africain, deuxième phase, [1966] CIJ Rec 6, para. 91.
[21] Un grand nombre de sentences arbitrales ont retenu l’existence d’une protection des attentes légitimes en se basant sur le but et l’objet du traité donné par une lecture du préambule. Voir notamment Occidental Exploration and Production Company v The Republic of Ecuador (2004), LCIA Case No UN3467 (UNCITRAL 1976), para.183 [Occidental Exploration and Production Company]; MTD Equity Sdn Bhd and MTD Chile SA v Republic of Chile, ICSID Case No ARB/01/7, Award of 25 May 2004, para 113; Ioannis Kardassopoulos v The Republic of Georgia, ICSID Case No ARB/05/18, Award of 3 May 2010, para 432-433. A cet effet, voir Max H. Hulme, « Preambles in Treaty Interpretation » (2016) U of Pennsylvania L Rev 1281.
[22] Les tribunaux lient fréquemment la stabilité à la protection des attentes légitimes. À cet effet, voir notamment MS Gas Transmission Company v The Argentine Republic, ICSID Case No ARB/01/8, Award of 12 May 2005, para. 284. Certaines décisions ont également adopté une approche qu’on pourrait qualifier de souverainiste en considérant que l’obligation de stabilité ne doit pas affecter l'autorité souveraine d'un État à légiférer et à adapter son système juridique aux circonstances changeantes. Voir notamment Antaris Solar GmbH and Dr Michael Göde v Czech Republic, PCA Case No 2014–01, Award of 2 May 2018.
[23] Cazala, supra note 3, p. 21. Voir par exemple les décisions Parkerings-Companiet AS v Republic of Lithuania, ICSID Case No ARB/05/8, Award of 11 September 2007, para. 336-337; RosInvestCo UK Ltd v The Russian Federation, SCC Case No V079/2005, Award on jurisdiction of 12 October 2007, para. 3.
[24] Treaty between the government of The United States of America and the government of [country] concerning the
encouragement and reciprocal protection of investment (2004).
[25] Max H. Hulme, supra note 21.
[26] Voir par exemple Compañia del Desarrollo de Santa Elena SA v Republic of Costa Rica, ICSID Case No
ARB/96/1, Final Award of 17 February 2000, para. 71-72.
[27] Marfin Investment Group v Republic of Cyprus, ICSID Case No ARB/13/27, Award of 26 July 2018, para. 827.
[28] Philip Morris Brands Sàrl, Philip Morris Products SA and Abal Hermanos SA v Oriental Republic of Uruguay,
ICSID Case No ARB/10/7.
[29] Voir notamment Agreement between the Government of the Republic of Singapore and the Government of the Republic of the Union of Myanmar on the Promotion and Protection of Investments (24 septembre 2019), Préambule.
[30] Voir notamment Investment Agreement between the Government of Australia and the Government of the Hong Kong Special Administrative Region of the People’s Republic of China (entrée en vigeur: 17 janvier 2020), Préambule.
[31] Canada’s 2021 Foreign Investment Promotion and Protection Agreement Model (2021).
[32] Ibid.
[33] Ibid.
[34] Comprehensive and Progressive agreement for Trans-Pacific Partnership (Australie, Brunei, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapore, Vietnam) (entré en vigueur: 30 décembre 2018), préambule.
[35] Accord Canada-États Unis-Mexique (entrée en vigueur : 1er juillet 2020), préambule.
[36] RREEF Infrastructure (GP) Ltd and RREEF Pan-European Infrastructure Two Lux Sàrl v Spain, ICSID Case No ARB/13/30, Decision on Responsibility and on the Principles of Quantum and Dissenting Opinion of 30 November 2018. Voir aussi Total SA v Argentina, ICSID Case No ARB/04/1, Decision on Liability of 27 December 2010 [Total S.A. v Argentina]; Occidental Petroleum Corporation and Occidental Exploration and Production Company v Ecuador, ICSID Case No ARB/06/11, Award of 5 October 2012; Electrabel SA v Hungary, ICSID Case No ARB/07/19, Award of 25 November 2015.
[37] Chen Yu, “International adjudication as interactional law- making: the incorporation of fair and equitable treatment elements in investment treaties” (2024) 12 Journal of International Economic Law 8.
[38] Voir Caroline E Foster, « Why Due Regards Is More Appropriate than the Proportionality Testing in International Investment Law” (2022) Journal of World Trade and Investment 23.
[39] L’article 8.9 de l’AECG (non en vigueur) dispose que « pour l'application du présent chapitre, les Parties réaffirment leur droit de réglementer sur leurs territoires en vue de réaliser des objectifs légitimes en matière de politique ». Voir Accord Économique et Commercial Global (AECG), Canada et Union européenne, 30 octobre 2016 (Chapitre 8 sur l’investissement non-entrée en vigueur).
[40] Eric De Brabandere, «The Role of Proportionality in International Investment Law and Arbitration: A System-Specific Perspective » (2020) 89 Nordic Journal of International Law 471 [traduction libre].
[41] Voir par exemple Total S.A. v Argentina, supra note 36, para. 123
[42] Wolfgang Alschner, Investment Arbitration and State-Driven Reform: New Treaties, Old Outcomes, Oxford University Press, 2022.
[43] De Brabandere, supra note 40. Voir aussi Caroline Henckels, Proportionality and Deference in Investor-State Arbitration: Balancing Investment Protection and Regulatory Autonomy, Cambridge University Press, Cambridge 2015.
[44] Total S.A. v Argentina, supra note 36, para. 121.
[45] PL Holdings S.à.r.l. v Republic of Poland, SCC Case No. V2014/163, Award of 28 August 2017.
[46] Occidental Exploration and Production Company, supra note 21.
[47] Continental Casualty Company v The Argentine Republic ICSD Case No. ARB/03/9, Award 5 September 2008.
[48] Yu, supra note 37.
[49] Ibid.
[50] Ibid, p. 18. Voir par exemple à cet effet, Traité EU – Singapore Investment Protection Agreement, 19 octobre 2018 (non en vigueur), art. 2.4.3.
[51]Accord de rapprochement économique entre la Chine et Hong Kong (entrée en vigueur: 28 juin 2017), arts. 3-4.
[52] Traité de libre-échange Chili-Argentine (entrée en vigueur : 12 mai 2019), art. 8.2.4.
[53] Accord sur le commerce des services et de l’investissement la Chine-Ile Maurice (entrée en vigueur:1er janvier 2021), art. 8.5.4.
[54] Intra-Mercosur Cooperation and Facilitation Investment Protocol (entrée en vigueur : 30 juillet 2019), art. 4.
[55] Traité bilatéral d’investissement Brésil-Suriname (non en vigueur).
[56] « Instrument interprétatif commun concernant l’accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part ».
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